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Travail préliminaire 1

Choix du synthétiseur

Possibilités

Ce qui suit est une étude comparative des quatre synthétiseurs monodiques de scène à ma disposition. Comme évoqué en introduction, l’unicité de la source constitue la colonne vertébrale de ma proposition artistique ; il serait donc maladroit, parce que peu lisible, d’emprunter une machine polyphonique, même en la basculant en mode "unisson". Heureusement, j’ai quatre excellents candidats à disposition :

  1. Buchla Music Easel custom (LEM208 + 225h + Keen Association 220 + AUX card)
  2. Moog Grandmother
  3. Arp Odyssey (Korg reissue, Full Size, rev 3)
  4. Korg MS-20 (vintage, filtre Korg-35)

Critères

Les critères de sélection, hormis la vocation monodique déjà énoncée, sont :

  1. La maniabilité : le nombre de paramètres contrôlables en MIDI / MIDI-to-CV/Gate, présence d'un clavier, risques liés au live patching…
  2. La variété des timbres qu'on peut en obtenir
  3. L'aspect visuel et le potentiel scénique du synthétiseur (très subjectif)
  4. La consommation en électricité, facteur déterminant pour ce projet

Comparatif


Buchla Music Easel

Note : le modèle concerné est la version usine commercialisée par Buchla Electronic Music Instruments dans les années 2010. C'est un LEM208, vendue sans le clavier 218e, à la place duquel se trouvent un Keen Association Model 220 et une interface MIDI 225h.

  1. Maniabilité : l'interface MIDI-CV 225h est exhaustive et la quasi-totalité des paramètres du 208 sont munis de contrôles avec atténuateurs. le Music Easel ne propose pas de moyen fixe de réstituer la vélocité, mais celle-ci est assignable au timbre grâce à l'AUX Card, par exemple. Le clavier ne permet pas vraiment d'exprimer ce que j'imagine en terme de mélodie ; mais il serait très utile pour créer en live des modulations séquencées précises et versatiles.

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  3. Palette sonore : la variété des timbres qu'on peut en obtenir est impressionnante, allant de l'électronique pure aux instruments de l'orchestre, surtout les anches simples (clarinettes, saxophones) ou les flûtes, mais aussi l'orgue ou le sitar. C'est l'atout majeur de ce synthé.

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  5. Visuel : l'aspect visuel est, à mon sens, très satisfaisant : c'est un synthé modulaire, d'assez grande taille, avec de belles couleurs, des câbles et beaucoup de LED clignotant dans tous les coins… Le clavier permet, on l'a vu, de garder une action live, bien que celle-ci soit réduite par rapport à celle proposée par le Moog (plus bas).

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  7. Consommation : l'alimentation fournie avec l'appareil affiche une capacité de 5,5A pour 12v. Cette mesure correspondrait à une consommation de 66W, ce qui semble énorme. Après quelques recherches sur des forums spécialisés, la réalité serait plutôt inférieure à 800ma pour 15V, ce qui fait une puissance maximale d'environ 12W − en tenant compte de la consommation des modules et de l'AUX card.


Moog Grandmother

  1. Maniabilité : l'interface digitale MIDI alliée à la patchbay permet de contrôler beaucoup de ses paramètres par Continuous Controller (MIDI CC) et de rendre la vélocité (assignée au filtre). Le clavier "standard" permet de jouer live et d'improviser, voire même, grâce à un patch, de séquencer la modulation comme sur le clavier Keen (avec toutefois moins de possibilités. Avantage de la semi-modularité : le trajet du son est "hard-wired", réduisant les risques d'erreurs "fatales" dans la manipulation du patch…

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  3. Palette sonore : assez vaste bien que plus typée que celle du Buchla, et moins versatile. Belles couleurs d'anches simples (clarinettes) et doubles (bassons dans les graves, hautbois ou cor anglais dans le medium). Les basses sont très puissantes, Moog oblige.

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  5. Visuel : la disposition "wedge" des contrôles, surélevés par rapport au clavier, est confortable pour l'instrumentiste mais les rends invisibles au public, ce qui est dommage pour le spectacle. Au delà de ça, il est esthétiquement marqué (ce qui me plaît) et la présence d'un clavier nuancé renforce son potentiel live.

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  7. Consommation : selon Jack Burton, qui a répondu à mes questions chez Moog Music, la consommation du Grandmother avoisinerait les 10W.


Korg Arp Odyssey FS

  1. Maniabilité : si la réédition Korg du légendaire Odyssey de Arp est bien doté d'une interface MIDI (contrairement à son ancêtre), celle-ci n'implémente qu'un contrôle rudimentaire : pitch, note on, note off. Pas de vélocité ni de messages CC. La vélocité est également absente du clavier, fidèle à l'original. Cette option réclame donc une attention à totale pendant le jeu pour créer du relief, rendant la manipulation du séquenceur plus difficile. En revanche, la patchbay permet une belle souplesse de modulation, et encourage à la manipulation live.

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  3. Palette sonore : le timbre de l'Odyssey est très caractérisé. Inimitable (à mon sens) dans les sons cuivrés, notamment les trombonnes ou, filtré le cor en Fa. La souplesse de ses ondes carrées permet, avec un certain type de filtre, d'obtenir de belles flûtes. Malgré tout, les choix techniques dans la conception de l'instrument (le seul non-modulaire de la liste) rend sa manipulation plus rigide, et la variation de timbre plus imprécise, ce qui réclamerait plus de répétitions.

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  5. Visuel : mêmes remarques que pour le Moog : les contrôles sont cachés au public si le synthétiseur est disposé face au public. La face avant vintage me plaît beaucoup.

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  7. Consommation : avec une consommation affichée de 6.5W, il s'agit de la meilleure performance sur ce plan.

Note : Il est possible d’implémenter la vélocité en utilisant un processeur d’effet extérieur (compresseur) contrôlable par MIDI, comme l’OTO machine BOUM. L’ajout d’une autre machine impacte la consommation électrique de l’option.


Korg MS-20

  1. Maniabilité : tel quel, il s'agit de la moins bonne option sur ce plan ; toutes mes options de séquençage dépendent du MIDI, hors pas d'entrée MIDI sur cette vénérable machine (modèle vintage). Ce détail le rend dépendant d'une interface MIDI-CV externe, donc un appareil supplémentaire à alimenter.

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  3. Palette sonore : (voir note ci-dessous.)

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  5. Visuel : mêmes remarques que pour le Moog et l'Odyssey concernant la position des contrôles, mais encore accentué : vu de derrière, le MS-20 est vraiment un gros bloc noir…

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  7. Consommation : 10W selon le manuel. Il faudra cependant ajouter 2.4W pour l'interface MIDI-CV la moins gourmande (Doepfer Dark Link), pour un total de 12.4W.

 

💩 Note : entre temps, le MS-20 est parti à l'atelier de réparation suite à de nombreuses avaries. Il ne sera pas prêt à temps pour le début du travail de composition. J'ai retranché mes observations sur la palette sonore, celles-ci étant probablement fondées sur des impressions fausses dues aux dysfonctionnements.

 

Conclusions

En commençant ce comparatif, je m'attendais à trouver une plus grande disparité entre les consommations électriques des différents synthétiseurs. En me fiant au caractéristiques des alimentations fournies avec les machines, je trouvais des valeurs allant de 6.5W à 75W, soit une différence du simple au décuple, ce qui creuse un réel écart. En approfondissant les recherches, il se trouve que la fourchette allant de la valeur la plus basse (6.5W) à la plus haute (12.4W), si elle varie déjà du simple au double, reste néanmoins relativement restreinte : ces machines consomment toutes moins qu'une grosse ampoule à LED.

Par conséquent, une première conclusion s'impose : la consommation d'énergie ne sera pas le critère déterminant dans le choix du synthétiseur, contrairement à ce que j'avais pu croire en premier lieu.

En ce qui concerne la maniabilité, c’est le Moog Grandmother qui se démarque, grâce à son clavier. Reste à savoir, à ce stade ou la composition n'est pas achevée, si il me sera vraiment utile… Du côté de la patchbay, c’est le Buchla qui prend l’avantage, la disposition du module 208 offrant plus de possibilités de modulation ; le Grandmother est plus limité.

Autre aspect important : le visuel. Ça peut paraitre futile, mais on parle bien de donner un spectacle, et non d'effectuer un enregistrement. La proposition est minimaliste, il y aura peu d'éléments sur scène et tous seront bien visibles ; il faut donc maximiser leur impact. Le Moog Grandmother, notamment grâce à son clavier expressif permettant de véritablement jouer live, et le Buchla Music Easel, avec son look modulaire vintage, se partagent la première place ex aequo.

Enfin, sur le plan de la palette sonore, critère capital (il s'agit de tenir pendant une heure avec le même synthétiseur), le Buchla Music Easel est le plus convainquant. Ses capacités de modulation et de waveshaping, alliée à la clarté de l'interface, lui donnent beaucoup de ressources en terme renouvellement sonore.

Décision

Au final, il est intéressant de noter que mes deux machines favorites pour l'exercice se trouvent être produites par les deux marques qui ont fait école en terme de synthèse du son, East Coast (Moog) et West Coast (Buchla). Ca n'est pas très étonnant, tant les éléments qui me font hésiter sont caractéristiques de la différence qui existe entre les deux approches : ai-je besoin d'un "vrai" clavier ? Qu'est-ce qui sera davantage executé live, la mélodie ou la modulation ? Est-ce que je préfère manier un filtre résonnant ou un waveshaper ?

Egalement dans l'équation : le tempérament "capricieux" du Music Easel, instable en fonction des prises électriques auxquelles on le branche, ce qui n'est pas rassurant pour le live ; la spring reverb du Moog, qui tend à être pour le moins erratique…

A la fin de ce comparatif, la décision finale n'est pas encore atteinte. Je vais donc poursuivre les travaux préliminaires avec l'étude pour le choix d'un séquenceur.

 

 

💩 Publié le 03/10/2020 par Variéras